Une enfance à Vienne


          Il faisait froid, et la neige recouvrait les rues de Vienne quand, dans la nuit du jeudi 27 novembre 1924, seize mois après la naissance de ma sœur Erika, le docteur Koch, notre médecin de famille, et une sage-femme délivraient ma mère de son second bébé. Le médecin la félicita et lui dit que son enfant avait l’apparence d’un bébé de huit jours. Elle en fut très fière. Elle avait alors vingt-trois ans. Les médecins font probablement souvent ce compliment aux jeunes accouchées.
          Mon grand-père maternel était mort deux années avant ma naissance. J’ai hérité tout naturellement de son prénom Paul, Pessach en hébreu (Pâques). La traduction anglaise, Passover, me convient mieux (passer par-dessus). Nombreux furent les obstacles que j’ai dû surmonter durant mon adolescence ! Le prénom influencerait-il le destin d’un homme ?(1)
      Ma mère me parlait souvent avec admiration de son père. À telle enseigne que je m’étais fait de lui une image d’un homme fort, grand et surtout très sage. Une des anecdotes qu’elle m’a racontées, parmi tant d’autres, m’a particulièrement impressionné parce qu’elle révèle l’importance qu’il attachait à l’enseignement et à la connaissance.
        Mon grand-père Pessach construisait des voies ferrées. Cette profession était rarement exercée à l’époque par un Juif orthodoxe, surtout en Galicie, sous l’Empire austro-hongrois. Son métier le contraignait d’aller d’étape en étape à travers les différentes contrées, avec ses ingénieurs et techniciens pour diriger les travaux. Sa famille l’accompagnait dans ses pérégrinations, ainsi qu’un précepteur pour ses nombreux enfants. Il refusait de les payer avec de « vulgaires » billets de banque, estimant que seules les pièces d’or, encore couramment en usage, étaient symboliquement dignes de rémunérer ceux qui transmettaient leur savoir à ses enfants.
        À Vienne, notre vie quotidienne était réglée au rythme du shabbat et des jours fériés. Dès le jeudi, en prévision du vendredi soir, ma mère et ma grand-mère s’activaient à la cuisine, préparant plusieurs sortes de gâteaux, ainsi que la « ‘halah », pain natté garni de graines de pavot, qu’on mangeait avec la fameuse carpe farcie et la classique poule au pot. Le goût ineffable des pâtisseries de ma mère me fait encore saliver aujourd’hui, et je ne résiste pas devant un strudel aux pommes et autres friandises. Les odeurs spécifiques de tous ces plats, préparés pour le vendredi soir, début du shabbat(2), et l’atmosphère sereine qui régnait à la maison, je ne les ai plus jamais retrouvées…
        Les carpes(3) provenaient principalement du Danube, dit bleu. Enfant, je faisais de gros efforts pour voir la couleur bleue de ce fleuve. Il me paraissait énorme, mystérieux, tout sauf bleu.
        Autour de la table familiale, l’ambiance était chaleureuse. Je garde de ces vendredis soir un souvenir de fête, répétée et attendue. À la fin du repas, ma mère entonnait d’une voix mélodieuse des chants en hébreu dont nous reprenions les refrains en chœur. Elle possédait un vaste répertoire de chansons du folklore juif, auquel s’ajoutaient quelques airs composés par mon grand-père Pessach. Je les garde toujours en mémoire et les chante avec un plaisir teinté de mélancolie, spécialement durant les fêtes de Pâques, accompagné par ma femme et ma fille.
        Tout près de notre appartement viennois s’étendait un parc, divisé en plusieurs squares. Ma grand-mère m’y emmenait presque quotidiennement. Un jour, bavardant avec ses amies, elle m’a perdu de vue. Affolée, elle se mit à ma recherche. Inconscient de la frayeur provoquée, je me trouvais au bord d’un bac à sable les mains dans le dos, observant avec envie les enfants en train de s’amuser. J’aurais tant aimé me mêler à leur jeu, mais je ne voulais pas me salir et détestais surtout avoir du sable dans les chaussures.

Normal
0


21


false
false
false

FR
JA
X-NONE

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 <w:LatentStyles DefLockedState="false" DefUnhideWhenUsed="true"
DefSemiHidden="true" DefQFormat="false" DefPriority="99"
LatentStyleCount="276">…

Mes parents, Erika et moi, à Vienne en 1927

        Ma petite enfance est intimement liée à ce parc. Je suivais quotidiennement les grilles qui l’entouraient pour me rendre à l’école. Durant les hivers, longs et rigoureux, dans un de ces squares, une patinoire était aménagée, et, au son d’une musique typiquement viennoise, je patinais avec ma sœur et nos amis. Vienne sous la neige, nos luges glissant le long des rues en pente, nos nez, nos oreilles et nos joues rougis par le froid, sont les images insouciantes et joyeuses de ces douces années.
        J’étais un petit garçon choyé, aimé, entouré essentiellement de femmes : ma grand-mère, ma mère, sa jeune sœur Klara âgée de seize ans, étudiante, qui habitait à la maison, et ma sœur Erika. Mon père, agent d’assurances, partait tôt le matin et rentrait généralement tard le soir. Souvent je dormais déjà.
        Maman étant la seule à ne pas céder à mes caprices, je la trouvais bien sévère. Elle était pourtant douce, affectueuse et même espiègle. Souvent je l’entendais rire aux éclats avec ses amies.
        À trois ans, je ne me voyais pas grandir, et il me semblait voir ma grand-mère devenir de plus en plus petite. Il est vrai qu’elle n’était pas bien grande. J’en ai conclu que c’était elle qui bientôt allait atteindre ma taille et non l’inverse…
        Un jour j’ai cassé un bibelot auquel ma mère tenait beaucoup. Je m’attendais à une fessée bien méritée. Pour la dissuader, je lui dis gravement : « Tu verras quand moi je serai grand et toi petite, comme les fessées font mal ! » Désarmée, elle s’est mise à rire et me serra affectueusement contre elle !

Normal
0


21


false
false
false

FR
JA
X-NONE

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 <w:LatentStyles DefLockedState="false" DefUnhideWhenUsed="true"
DefSemiHidden="true" DefQFormat="false" DefPriority="99"
LatentStyleCount="276">…

Sur les genoux de mon père à Worochta

        Parfois pour s’amuser, avec une sévérité feinte, elle faisait mine de chercher une canne pour me « corriger ». De toutes mes forces je protestais : « Non ! Pas avec la mienne ! » Nous en avions plusieurs à la maison. Mon père en utilisait une depuis sa blessure de guerre. De plus à l’époque les cannes étaient à la mode. La mienne, sculptée d’edelweiss, était un souvenir rapporté de vacances passées à Worochta, petit village de montagne dans les Carpates, station de sports d’hiver connue, où papa était né. J’avais à peine trois ans lorsque mon père et moi avions fait ce long voyage. Plus de vingt heures de train pour nous rendre chez les parents de mon père. Attenante à la ferme de mes grands-parents, se trouvait une écurie. Parmi les chevaux il y avait un poney. Je le montais chaque jour et m’y suis passionnément attaché.
        Lorsqu’il fallut rentrer à la maison, je n’ai pas voulu le quitter. Pour calmer mes pleurs on me promit qu’il serait dans notre train et que je le retrouverais à Vienne. Cela n’était évidemment pas vrai. Ce fut là ma première grande déception. J’avais fait confiance aux grandes personnes et j’avais été trahi. Longtemps, j’ai rêvé de ce compagnon de jeu si docile.
        Il me reste de ce séjour une photo, jaunie par les ans. Je suis assis sur les genoux de mon père devant une meule de foin, dans un champ appartenant à mon grand-père. Depuis, j’ai gardé un attachement tout particulier pour la montagne qui me rappelle Worochta. J’aime le calme que l’on y trouve et les odeurs de la nature préservée.
        Le moment de ma scolarisation arriva à l’âge de cinq ans, un peu trop tôt à mon gré. Un maître venait aussi à la maison pour m’apprendre à lire l’hébreu.     
        Mon instituteur Rudolph Tretter, au visage rond et jovial, m’aimait beaucoup. Un jour nous devions terminer un exercice d’écriture par des petites croix. J’ai refusé de les faire ! Surpris et mécontent de mon obstination, il me demanda :
        « Mais enfin Paul, pourquoi ne veux-tu pas faire de croix ?
        – Parce que les Juifs n’ont pas le droit de dessiner des croix ! »
        Cette réponse était probablement inspirée par des propos de ma grand-mère que j’avais certainement mal interprétés.
        Quelque temps plus tard, lors d’une réunion de parents, il a félicité ma mère, disant que j’écrivais déjà comme un grand. Toute fière, elle a raconté mes prouesses à ses amies sans prendre garde à ma présence. Le résultat fut désastreux ! J’en ai conclu que, puisque j’écrivais comme un grand, je n’avais plus d’efforts à faire, seules les leçons qui m’intéressaient feraient l’objet de mon attention. Mes parents et Monsieur Tretter furent très contrariés par ce brusque changement, sachant que je pouvais obtenir de bien meilleurs résultats. À partir de là, la mention « peut mieux faire » figura souvent sur mes devoirs !
        Un jour, ma mère souffrante était restée alitée. Je lui demandais ce qui lui ferait plaisir : « Je mangerais bien une orange », me répondit-elle. Il n’y en avait pas à la maison, je suis vite allé chez notre marchand pour en acheter. Tout en courant, j’en ai épluché une, afin de la lui offrir aussitôt de retour. Jamais je n’oublierai le regard plein d’amour qu’elle eut pour son petit garçon. Ce n’est que devenu adulte que j’ai compris combien ce simple geste a pu tant l’émouvoir.
        Durant des heures je jouais sagement avec un véritable trésor amassé dans une caisse. Un invraisemblable bric-à-brac fait de bouts de ficelles, de fil de fer, de morceaux de bois, de clous, de vis, d’écrous…, tous destinés à être jetés et que j’avais précieusement récupérés.
        Auprès de mes proches je m’étais fait une réputation de « bricoleur » ! Un jour Madame Farb, notre voisine, veuve de guerre, crédule et surtout un peu avare, m’a demandé :
        « Paulchen [petit Paul], mon réveil ne fonctionne plus, pourrais-tu le réparer ?
        – Oui bien sûr, donnez-le-moi ! »
        Devant mon aplomb, elle me l’a imprudemment confié. Le démonter fut chose aisée, le reconstituer, impossible ! Tout penaud, je le lui ai rendu en pièces détachées. Furieuse, elle alla se plaindre auprès de ma mère qui bien entendu prit ma défense et lui dit avec un sourire qu’elle avait du mal à dissimuler : « Mais enfin, comment avez-vous pu croire que Paulchen arriverait à réparer votre réveil ? C’est un enfant ! »
        Le travail scolaire devenait plus ardu. Pour faire plaisir à mes parents j’essayais de m’appliquer davantage. Quand les notes étaient mauvaises, je profitais du manque de sévérité de mon père pour lui glisser le matin mon bulletin à signer, juste avant son départ. Régu­lièrement il me disait : « Tu ne perds rien pour attendre ! Nous verrons cela ensemble ce soir ! » Mais je savais qu’à son retour, il ferait semblant d’avoir oublié… Il me punissait rarement. Il laissait les soins de l’éducation de ses enfants à Maman, lui faisant entièrement confiance, sachant combien elle était efficace.
        Nos dernières vacances à Worochta nous les avons passées en 1933. De mon grand-père paternel Jakob je conserve le souvenir d’un homme âgé, souvent assis au bout de la table de la grande pièce qui servait de salle à manger. Durant de longues heures il était penché sur de volumineux livres, étudiant le Talmud, tout en se caressant machinalement la barbe. De temps en temps il me pinçait gentiment la joue et, me prenant sur ses genoux, me posait des questions pour vérifier mes connaissances en hébreu. Cela m’intimidait, et j’avoue avoir tout fait pour éviter cette situation !

Normal
0


21


false
false
false

FR
JA
X-NONE

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 <w:LatentStyles DefLockedState="false" DefUnhideWhenUsed="true"
DefSemiHidden="true" DefQFormat="false" DefPriority="99"
LatentStyleCount="276">…

Avec Erika, au bord du Prut, lors de notre dernier voyage à Worochta en 1933.

        Ma grand-mère Feiga était une femme mince et énergique. Elle s’activait durant une partie de la journée dans son épicerie qui jouxtait la maison, tout en s’occupant de faire la cuisine, pour ses enfants et une ribambelle de petits-enfants.
        Son échoppe était un « bazar » comme il en existe encore de nos jours dans les campagnes. Dans les rayons, chacun pouvait trouver son bonheur. Cela allait de l’épicerie au fil à repriser, jusqu’aux grandes pièces de cuir vendues au détail pour le ressemelage des chaussures.
        Un coin faisait la joie des enfants du village : il y avait là une épaisse plaque en bois percée d’un grand nombre de trous, recouverte d’une jolie feuille de papier fleuri. Dans chaque trou se trouvait une boule de couleur différente. En perçant le papier à l’aide d’un tube, on retirait la boule et suivant sa couleur on avait droit à des bonbons, du chocolat ou toute autre friandise !
        Au sous-sol du chalet il y avait un cordonnier, et, comme la plupart des hommes religieux, il avait une barbe qui le vieillissait. Il m’impressionnait parce qu’il avait un pied bot. Je n’en avais jamais vu auparavant. J’admirais l’habileté avec laquelle il savait remettre en état des chaussures tellement usées. Souvent, les plus pauvres, qui n’en possédaient qu’une seule paire, les attendaient patiemment pour repartir. Durant ce temps les discussions allaient bon train et se terminaient parfois par l’interprétation d’une sentence du Talmud, ce qui me laissait supposer que ce cordonnier et ses clients étaient érudits.
        De ma famille paternelle je me souviens particulièrement du frère cadet de mon père, Max, grand gaillard s’occupant de la ferme. Pour aller à la synagogue le samedi, il prenait sur ses épaules son petit-neveu venu de Vienne, pour qu’il ne salisse pas ses chaussettes blanches et ses chaussures vernies, dans la boue d’une rue non asphaltée. Il avait de nombreuses sœurs, elles étaient mariées et avaient plusieurs enfants chacune, sauf la plus jeune, Dora qui était célibataire. Qu’elles étaient belles les familles d’antan ! Malheureusement je ne connais même pas leurs noms et j’ignore quel fut leur sort durant la tourmente. Elles ont été probablement englouties avec des milliers d’autres. Anéanties comme toutes les communautés de ces villes et villages, emportant dans l’au-delà leurs cultures, leurs usages et leur irremplaçable humour.
        Il ne reste, aujourd’hui, que le mémorial de la vallée des communautés disparues, où les noms de toutes ces villes d’Europe sont burinés dans les pierres de Yad Vashem, à Jérusalem.
        De la famille de ma mère ont survécu tante Klara, très âgée, qui vit en Floride, deux cousins dont Max, épargné après plusieurs années dans des camps de concentration, et Bert qui se trouve en Californie. Ironie du sort, son frère aîné Paul, soldat dans l’armée américaine, est mort lors du débarquement des alliés sur les plages de Normandie.
        Une de mes passions était le football. Mes amis et moi étions de fervents supporters de l’excellente équipe juive Hakoah. De fréquents heurts entre le public et les équipes adverses se produisaient durant les rencontres. Invités en 1933 pour une compétition aux États-Unis, presque la moitié des joueurs a choisi d’y rester. Judicieuse décision à la lumière des événements que connut l’Europe par la suite.
        Comme la plupart des jeunes enfants je mentais et recevais de temps à autre de mémorables fessées ! L’une d’elles m’est restée particulièrement en souvenir. J’avais alors dix ans, au moment de la fête de ‘Hanoukka(4) qui dure huit jours. On offrait fréquemment aux enfants une toupie(5). Dès le premier jour j’ai perdu la mienne. Dépité, avec l’argent de ma tirelire et sans permission, j’en ai acheté une autre. Le lendemain, en jouant sur le parquet, en présence de ma mère, ma toupie neuve a roulé sous un meuble où se trouvait celle perdue la veille. Mal à l’aise avec mes deux toupies en main, je regardais Maman. Surprise, elle m’a demandé :
        « Tiens, tu as deux toupies maintenant ?
        – Oui, Samy m’a offert la sienne !
        – Il est très gentil, ton ami Samy, alors lui, il n’a plus de toupie ? Je ne te crois pas, dis-moi la vérité ! »
        Je rougissais facilement, et mon mensonge me rendit cramoisi. La punition fut sévère. Après tant d’années, avec attendrissement j’y pense encore. Je n’ai plus jamais menti!
        Peu de temps après, ma mère m’expliqua avec beaucoup de sagesse : « Il est interdit de mentir, mais nul ne peut t’obliger de tout dire ! » Il m’a fallu du temps pour assimiler ce conseil qui me semblait être en contradiction avec son éducation et comprendre le bien-fondé de cette recommandation.
        Tout bascula en mars 1934. Il y a eu d’abord une longue coupure d’électricité, annonçant l’insurrection déclenchée par le chancelier Dollfuss. Suivie d’une guerre civile qui dura plusieurs jours avec son cortège de morts et d’arrestations et se termina par la victoire du chancelier. Il imposa un régime autoritaire, remplaçant celui du parti socialiste qui gouvernait le pays depuis la défaite de 1918 et la dislocation de l’Empire austro-hongrois.
        L’antisémitisme des Autrichiens, toujours latent et fort répandu, se manifestait brutalement d’une façon plus ostensible. L’influence de l’Allemagne où les nazis avaient pris le pouvoir en 1933 contribua largement à cette évolution.
        Dès lors je fus confronté au racisme. À l’école, durant les récréations, les querelles entre les élèves étaient de plus en plus fréquentes et violentes. Mon professeur d’allemand, le docteur Siegel(6), ne me pardonnait aucune faute de syntaxe. À la moindre erreur, pour me corriger, il m’attrapait par l’oreille en ricanant et me soulevait de mon siège en imitant l’accent yiddish. Cette façon de parodier l’accent juif était largement répandue.
        Les rares moments de bonheur dans cette école, je les dois à ma maîtresse de français. C’est un peu par paresse que j’avais choisi le français comme seconde langue. Ma sœur l’étudiait déjà depuis un an, et je savais pouvoir compter sur son aide pour faire mes devoirs.
        Madame Sylvestre était jeune, belle et coquette. Durant les cours, elle portait souvent un chapeau. L’un d’eux, avec un pompon, me fascinait et la rendait à mes yeux plus séduisante encore. En fait j’étais amoureux, et elle s’en était certainement aperçue ! Cela devait certainement l’amuser et la rendre plus indulgente à mon égard. À ma grande joie, elle me fit cadeau d’un petit livre de chansons françaises dans lequel j’ai, entre autres, appris Marlborough s’en va-t’en guerre. Pour lui faire plaisir, je m’appliquais à bien travailler, sans imaginer qu’un jour le français me serait si utile.
        Plus tard en Belgique, j’ai revu des pompons sur les képis des soldats belges. Ils m’ont fait penser à ma jolie Madame Sylvestre. La petite histoire raconte qu’un roi, ayant surpris un garde endormi, avait imposé cet ornement à ses soldats afin de les tenir éveillés.
        En 1936, j’avais alors douze ans, avec un groupe de jeunes sionistes j’ai participé à la commémoration annuelle de la mort de Théodore Herzl, journaliste et écrivain. Il avait suivi le procès du capitaine Dreyfus à Paris, et, face à cette flagrante injustice, le sionisme « politique » est né sous son impulsion.
        Herzl est mort d’épuisement à l’âge de quarante-quatre ans. Il avait consacré sa vie à la cause sioniste, s’y était donné corps et âme dans l’espoir qu’un jour son idéal deviendrait réalité ! Un de ses livres prémonitoires s’intitule État juif dans celui-ci figure la phrase : « Si vous le voulez, cela ne sera pas un rêve. »

Normal
0


21


false
false
false

FR
JA
X-NONE

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 <w:LatentStyles DefLockedState="false" DefUnhideWhenUsed="true"
DefSemiHidden="true" DefQFormat="false" DefPriority="99"
LatentStyleCount="276">…

Ma grand-mère, à sa gauche Tante Klara, à l'opposé Maman.

Assise près d'elle, Tante Sophie en visite à Vienne.

Au centre, Erika et moi.

        Au retour du cimetière nous avons été agressés par une bande de jeunes fascistes. Malgré nos cris et nos appels, personne ne s’est porté à notre secours. Les gens se détournaient ostensiblement, poursuivant leur chemin.
        Durant les années 1934-1938, en raison du sentiment d’insécurité, je n’étais pas autorisé à m’éloigner trop loin de la maison. Mon univers se bornait à notre quartier. Cependant nous n’avions pas abandonné nos promenades en famille dans la Haupt-allee (allée principale) du Prater tant réputé, où nous prenions des goûters aux terrasses, buvant du chocolat chaud, coiffé d’un dôme de crème Chantilly accompagné de pâtisseries viennoises.
        Dans les kiosques, des orchestres jouaient les éternelles valses de Strauss et des mélodies classiques, comme le Liebesleid de Fritz Kreisler. Aujourd’hui, ces images me font penser à quelques vieux films muets se déroulant au ralenti dans une atmosphère surannée.
        Notre grande joie à Erika et moi était de faire un tour dans les wagonnets du « Riesenrad », la grande roue, d’où nous pouvions admirer la ville. À Paris une roue semblable a été installée dans les jardins des Tuileries, et en passant devant elle immanquablement me reviennent à l’esprit mes joies enfantines.
        Les dimanches d’été, je jouais au ballon avec des amis, sur le Überschwemmungsgebiet, immense terrain sur l’une des rives du Danube où se déversent les crues occasionnelles du fleuve. Sur les bancs du square, face à notre maison, durant des heures se disputaient d’innombrables parties d’échecs, mon jeu favori ! Plus tard sur ces mêmes bancs était inscrit : « Interdit aux Juifs, réservé exclusivement aux aryens. »
       Une année avant l’annexion, un haut fonctionnaire, ami intime de mes parents, est venu nous annoncer sa démission et son départ pour la Palestine. En nous quittant, il nous a fait part de ses inquiétudes pour notre avenir ! Mon père, militant sioniste, a tout naturellement approuvé son émigration, mais a trouvé son pessimisme excessif !
        Souvent je me suis interrogé sur la passivité de mes parents. Pourquoi n’ont-ils pas eu, eux aussi, l’idée de quitter ce pays dès 1934 ? Faut-il pour devenir volontairement émigrant être très courageux ou très malheureux ?
        Pourtant Adolf Hitler dans son livre " Mein Kampf " annonce avec précision la doctrine nazie. Ses funestes projets auraient dû éveiller nos consciences et nous alarmer. Or, ni notre communauté ni les démocraties européennes n’ont voulu voir s’approcher le danger. L’incapacité humaine à imaginer les horreurs qui suivirent ou la politique « commode » de l’autruche sont les seules explications possibles de cette apathie.
        La date de la cérémonie de ma Bar Mitzvah approchait. Chaque jour en rentrant de l’école j’avais une leçon d’hébreu. Ma grand-mère était toujours là, discrète, dans un coin de la pièce, attentive à l’enseignement que je recevais. Ma majorité religieuse fut célébrée à la synagogue un samedi matin en novembre 1937. Très timide, j’avais la hantise de faire des fautes durant les prières, mais ce que j’appréhendais le plus, c’était le discours d’usage que je devais tenir après. Devant les visages rayonnants de mes parents et de ma grand-mère, je compris à mon grand soulagement que j’avais bien passé ces épreuves.
        Ce qui m’a fait plaisir, c’était de voir ma grand-mère si réservée d’habitude, rayonnante de joie et de fierté. Je savais que j’étais son petit-fils préféré ! Elle me bénissait souvent, mais ce jour-là, elle le fit avec une ferveur toute particulière ! Plus tard seulement j’ai pris conscience et réalisé l’importance de ses bénédictions.
        Ne faut-il pas être béni par ses parents pour l’être aussi de Dieu ?
        Parmi les classiques cadeaux reçus, il y avait de nombreux livres, plusieurs stylos, quatre jeux d’échecs, un jeu de ping-pong et surtout la montre tant désirée et promise par ma grand-mère ! Attendre une montre durant des mois, voire des années, et la garder précieusement toute sa vie paraît aujourd’hui dérisoire. La génération « Swatch » a désacralisé ce cadeau classique des grands-parents.
         Ma grand-mère tient une place particulière dans ma vie et dans ma mémoire. D’une tendresse sans limite à mon égard, elle semblait fragilisée par son âge. Je lui ai toujours connu un regard triste, et son histoire l’était aussi. Elle était restée orpheline à seize ans après un « pogrom », cette agression fréquente, tolérée par le régime tsariste. Les cosaques à cheval, armés, arrivaient en horde, pillaient, violaient les femmes et mettaient le quartier juif à feu et à sang. Elle fut recueillie par un oncle acariâtre, qui l’obligea à épouser un homme beaucoup plus âgé qu’elle et de surcroît malade. Il mourut peu de temps après leur union. Courageusement, elle s’enfuit pour rejoindre une autre parente dans un village voisin. Là, un jeune veuf père de deux enfants lui a été présenté. C’était mon grand-père, Pessach. Ils se sont plu dès leur première rencontre. Il lui dit simplement de cesser de se tourmenter et lui demanda de devenir sa femme. Cette seconde union lui apporta enfin un vrai foyer et le bonheur. Ils eurent trois fils et quatre filles s’ajoutant aux deux enfants qu’avait déjà eus mon grand-père de son premier mariage. Cela donna une très belle famille et de nombreux petits-enfants.
        Comme une tornade, trois mois après ma Bar Mitzvah, le 12 mars 1938, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie nous a submergés, mettant fin à notre vie tranquille. À la radio mon père et moi suivions avec une attention soutenue le déroulement des événements, notamment le voyage à Berchtesgaden du chancelier Schuschnigg, successeur de Dollfuss qui avait été assassiné en 1934, quelques mois après sa prise de pouvoir. Dès son retour du « nid d’aigles », Schuschnigg a déployé des efforts considérables pour organiser le plébiscite « pour ou contre » l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne qu’Hitler exigeait. Les antifascistes autrichiens ont essayé de le faire échouer. Un grand nombre d’affiches antinazies ont été placardées sur les murs, des slogans ont même été peints sur les trottoirs. Mais avant que le réfé­rendum ne puisse s’exprimer, l’Autriche fut annexée par les nazis.
        Quelques jours plus tard, les femmes juives furent obligées, munies d’un seau d’eau et d’une brosse de nettoyer les trottoirs et d’arracher les affiches, afin de faire disparaître les traces de ces slogans antifascistes. Cette humiliation organisée dans chaque quartier par la jeunesse hitlérienne et les SA (sections d’assaut, en chemises brunes) était la plupart du temps accompagnée de sarcasmes et de quolibets. Puis furent appliquées les lois interdisant aux Juifs d’exercer un grand nombre de professions. Ces fonctions devenues disponibles ont été aussitôt accaparées par des « aryens ». La population semblait s’être parfaitement accommodée de la mainmise des nazis sur l’Autriche. Beaucoup d’Autrichiens oubliaient sciemment l’importante contribution apportée par leurs concitoyens juifs au développement culturel, scientifique et économique de ce pays depuis le Xe siècle.
        La décision bien connue d’Hitler voulant rendre le Reich (Allemagne et Autriche) Judenrein, c’est-à-dire sans Juifs, y compris les convertis et les enfants issus de mariages mixtes, commençait à être mise en pratique. Les livres d’auteurs juifs et ceux dont la pensée n’était pas conforme à l’idéologie nazie furent systématiquement interdits. Par contre les œuvres faisant partie intégrante de la culture allemande et impossible à faire disparaître étaient alors attribuées à des « auteurs inconnus ». Henrich Heine (1797-1856), mon poète préféré, devint alors un de ces « inconnus ». Toutes ses œuvres furent proscrites, à l’exception de la Loreleisage, poésie célèbre, apprise dans toutes les écoles et devenue un chant populaire.
        Les arrestations des Juifs et des antifascistes commencèrent aussitôt. Ils furent internés dans le camp de concentration de Dachau, en Bavière, à vingt kilomètres de Munich. Nous avons commencé à présager le pire lorsque Madame Friedman, de notre immeuble, a reçu les cendres de son fils dans une urne, assassiné sous le fallacieux prétexte d’une tentative d’évasion de ce camp.
        À l’école, dès le deuxième trimestre, les élèves juifs furent relégués aux derniers bancs de la classe, puis peu après regroupés dans des écoles qui leur furent réservées avec des enseignants juifs. Le climat ne se prêtait naturellement pas à un travail scolaire normal, nous étions trop perturbés par tous ces événements.

Normal
0


21


false
false
false

FR
JA
X-NONE

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 <w:LatentStyles DefLockedState="false" DefUnhideWhenUsed="true"
DefSemiHidden="true" DefQFormat="false" DefPriority="99"
LatentStyleCount="276">…

Erika en 1938 à Vienne, elle avait 15 ans.

Normal
0


21


false
false
false

FR
JA
X-NONE

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 <w:LatentStyles DefLockedState="false" DefUnhideWhenUsed="true"
DefSemiHidden="true" DefQFormat="false" DefPriority="99"
LatentStyleCount="276">…

Paul à Vienne en 1938 , à l'âge de 13 ans et demi.

         En juillet 1938, à l’initiative de Roosevelt, se tint la conférence d’Évian. Ce fut un échec : 32 pays représentés, aucun n’a voulu s’engager à augmenter son faible contingent de réfugiés. Le Stürmer, journal satirique allemand, spécialisé dans la propagation de la haine contre les Juifs, put titrer : « Juifs à céder à bas prix. Personne n’en veut. »
        En 1999 le Canada proposa d’accueillir plusieurs milliers de réfugiés palestiniens, l’offre a été rejetée par les intéressés… À l’époque une telle proposition aurait été accueillie par les Juifs avec empressement.
        Mais le plus critiquable était la limitation de l’immigration juive en Palestine, décrétée par la Grande-Bretagne, pays mandataire, et éditée sous la forme d’un livre blanc.
        Hitler comprit qu’il pouvait désormais faire ce qu’il voulait avec les Juifs et que personne ne réagirait. Mais il fallait un prétexte. En septembre 1938, les anciens ressortissants Polonais ont été emmenés de force à la frontière. Le refus catégorique de la Pologne de les accepter obligea l’Allemagne à les ramener, bien malgré eux, à leur point de départ. Le 7 novembre 1938, le coup de feu tiré à bout portant contre le secrétaire d’ambassade Vom Rath, à Paris, lui fournit le prétexte. C’est un jeune Juif polonais, Herschel Grynspan, qui tira sur ce diplomate pour protester contre l’expulsion vers la Pologne de plusieurs milliers de Juifs polonais dont ses parents, à laquelle les autorités allemandes venaient de procéder, dans des conditions inhumaines.
        Dès le 8, avec Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, pour maître d’œuvre, un immense pogrom se prépare, destiné à semer la terreur dans la plupart des villes d’Allemagne et d’Autriche.
        Le 9 novembre au soir, dès que la mort d’Ernst Vom Rath fut connue, le signal fut donné. Une centaine de synagogues furent brûlées et saccagées, les magasins et appartements des Juifs, pillés et incendiés. Des Bibles, des livres de prières, les œuvres d’Albert Einstein, Sigmund Freud, Stefan Zweig, Thomas et Heinrich Mann, Kurt Tucholsky  et tant d’autres, furent l’objet d’autodafés. Heinrich Heine présageait, dès 1820, dans sa tragédie Almansor :
        « Quand on commence à brûler les livres on finit par brûler les hommes ! »
        Le nom de la tristement célèbre « Nuit de cristal » (Kristalnacht), qui évoque tout naturellement la pureté du cristal, pouvant donner à penser qu’il s’agit de la célébration d’une nuit de fête, est hélas dû au bris des vitres et vitrines jonchant le sol. Tout cela fut organisé par les SA avec la complicité des policiers.
        Cette nuit annonça le début de l’anéantissement des communautés juives d’Europe. Elle donna aussi lieu à une nouvelle et importante vague d’arrestations. Mon père fut pris dans cette rafle et libéré après quelques jours. Probablement en sa qualité d’ancien combattant et invalide de guerre.      
        Les francs-maçons, les socialistes, les communistes, les intellectuels jugés dangereux pour ce régime, qu’ils fussent Juifs ou non, furent envoyés dans les camps de concentration. Certains se suicidèrent pour ne pas tomber entre les mains des nazis. Les biens juifs furent confisqués, et, comble d’ironie, les nazis exigèrent de la communauté une amende de un milliard de marks, pour compenser les dégâts commis par les SA, déchaînés. Dès lors, l’affolement fut à son paroxysme. Nous vivions tous dans la hantise de nouvelles représailles.
        En Allemagne et en Autriche les populations ont assisté à ces événements barbares, silencieuses et sans réagir. Régulièrement la jeunesse hitlérienne, avec férocité et pleine de hargne, défilait dans les rues en chantant à tue-tête :
         « Quand enfin le sang juif jaillira de la pointe de nos poignards, cela ira mieux… » Ces paroles ignominieuses de Horst-Wessel étaient une véritable incitation au meurtre. Aucun espoir n’était plus permis. Le mécanisme prévu par les nazis se mettait progressivement en place. Ce fut ensuite l’escalade dans la violence !
        Après avoir évoqué cette lamentable période, j’hésite néanmoins à poursuivre mon récit, me remémorant la réaction que nous avions, Erika et moi, lorsque mon père, homme de trente ans, beau, grand, aux yeux clairs, nous racontait une fois de plus avec force détails la première guerre mondiale. Sagement nous l’écoutions, mais ce serait mentir de dire que nous étions passionnés. Son histoire, nous la connaissions déjà par cœur, pourtant elle était terminée depuis quinze années seulement !
        Maintenant, que cinquante-cinq années se sont écoulées et qu’une multitude d’événements importants ont accaparé l’attention du monde, j’éprouve néanmoins à mon tour le besoin de raconter et écrire mon histoire !      
        La Shoah n’est pas une persécution comme tant d’autres que les Juifs ont connues jusque-là, aussi on n’insistera jamais assez sur sa spécificité. Plusieurs autres raisons encore, et elles sont importantes, m’incitent à laisser un témoignage. La plus cruciale est la persistance des négationnistes qui propagent sans vergogne leur infâme propagande, niant la réalité de la Shoah, diffusant des brochures mensongères, écrites soi-disant par des historiens compétents. Il est nécessaire également de faire comprendre ou d’essayer d’expliquer les raisons de la réticence à raconter à notre retour l’inénarrable. Quant au reproche si souvent entendu et devenu avec le temps : « Pourquoi en parler encore et autant, maintenant ? ».
        Je répondrais qu’il faut maintenir éveillées les consciences pour que jamais de telles horreurs ne puissent se reproduire et que le caractère singulièrement tragique de la Shoah ne puisse être oublié !


(1) Abraham et Sarah, en changeant leurs noms, changèrent également leurs destins.

(2) Dans la religion juive, le jour commence la veille au soir, en vertu du premier chapitre de la Genèse qui se termine par cette phrase : “ Le soir se fit, le matin se fit, un jour”.(Genèse). La journée biblique me parait logique.

(3) La consommation de carpes dans les pays de l’Europe centrale s’explique probablement par le fait, particulièrement vrai pour l’Autriche, de ne pas avoir de territoires donnant accès à la mer. L'élevage de ce poisson d’eau douce était facile et bon marché.

(4) L’origine de 'Hanoukka remonte à la guerre contre Antiochos IV nommé Épiphane, qui avait détruit le temple à Jérusalem et profané l’autel. Sous la conduite du Grand Prêtre Mattathias et ses cinq fils, appelés les “Maccabées”, une guerre victorieuse fut menée contre Antiochos. Lors de la reconquête du temple, une petite fiole d’huile “pure”, fut retrouvée, juste suffisante pour servir un seul jour. Par miracle cette faible quantité d’huile a permis de garder une flamme allumée dans le Temple reconquis pendant huit jours, le temps nécessaire à la préparation d'une nouvelle quantité d’huile. Pour marquer cet événement durant les huit jours de cette fête, on allume chaque soir une lumière supplémentaire dans un chandelier à huit branches.

(5) Sur chacune des quatre faces de la toupie figurent les lettres hébraïques : “N G H C” signifiant : Un miracle s’est produit là- bas. (Jérusalem) !

(6) Aussitôt après l’annexion, ce professeur, comme beaucoup d’autres autrichiens, se mit à exhiber sur le revers de son costume, l'insigne du parti fasciste “NSDAP”, dont il était membre bien avant l’annexion. Le terme NSDAP signifies : « Natioal- Socialistische Deutsche Arbeiter Partei. »